NEWSLETTER LITTÉRAIRE DU 18 FÉVRIER

NEWSLETTER LITTÉRAIRE DU 18 FÉVRIER

 

LA HAMMER AU GRAND COMPLET

 

Les études sur la Hammer, de même que sur ses vedettes incontestées, Terence Fisher, Peter Cushing, Christopher Lee ne manquent pas mais, sous le titre Le Studio Hammer, Laboratoire de l’honneur moderne ?, qu’ont dirigé Mélanie Boissonneau, Gilles Menegaldo et Anne-Marie Paquet-Deyris, voilà une somme qui fera date. D’abord par son épaisseur, 520 pages, mais surtout par le nombre et la qualité des contributeurs, une bonne vingtaine au total se répartissant autant d’entrées spécifiques. Se référant à la très complète rétrospective Fisher que la Cinémathèque française organisa en juin et juillet 2007, Jean-François Rauger, qui en est un des responsables, revient (« Pourquoi devrait-on aimer les films de Terence Fisher ? ») sur l’accueil plus que mitigé que reçurent dans la « bonne » presse les premiers films du réalisateur, relégué aux salles de quartiers, rappelant que c’est le premier numéro de Midi-Minuit fantastique qui, en 1962, remit les pendules à l’heure. Nicolas Stanzick (« Et les Français découvrirent Frankenstein, Dracula et C° »), un spécialiste du studio, revient sur le propos en écrivant que les films Hammer ont développé la fantasticophilie, avec « le goût des mythes associé à celui de la subversion », ce que l’Église ne pouvait à l’époque accepter, appelant à s’abstenir de les voir « par discipline chrétienne ». Il est évidemment impossible de tout citer, même si l’on peut particulièrement apprécier, d’Hélène Valmary son « Christopher Lee/Peter Cushing : l’horreur (c’est mieux) à deux » où elle note que le premier était plutôt filmé en plan général à cause de sa sature, son complice ayant plus volontiers droit aux gros plans de ses yeux bleus. On s’amusera enfin de noter, d’un auteur à l’autre, certaines contradictions, Rauger prétendant que, face à la bourgeoisie, le prolétariat est peu cité quand Xavier Daverat (« Les Classes sociales dans l’horreur de la Hammer ») prône le contraire, rappelant cette fameuse phrase de The Revenge of Frankenstein : « Voilà les pauvres. Leur puanteur est insoutenable ! » Au total, une richesse que tout fantasticophile se devra d’avoir dans ses rayons (Le Visage vert).

 

UN FUTUR WOKE ET VÉGANE

 

No future signé au scénario par Corbeyran et au dessin par Jeff, s’ouvre alors que la présidente de la compagnie Stella, tourisme spatial, recrute une mercenaire ravissante mais aux méthodes expéditives, Halen Brennan, pour récupérer des documents volés concernant un métal qui lui permettrait de fabriquer des centaines de milliers de vaisseaux et ainsi envahir la galaxie sans souci des dommages écologiques que cela causerait. Devant d’abord se défaire d’un robot humanoïde du genre très collant, puis faisant équipe avec le voleur lui-même, plutôt charmant et nommé Jean-Claude Belmondeau, Halen, qu’on s’obstine à nommer Hélène, va travers toutes sortes d’aventures dans un futur et décors à la Blade Runner ou Cinquième élément, univers claustrophobe bondé de véhicules volants, que le graphiste Jeff, déjà rencontre dans l’excellent Convoi, traitre avec sa finesse de traits habituel, qu’il applique aussi aux visages suprêmement expressif, jusqu’à la caricature des méchants. Si le récit est sans surprise, Corbeyran, qui le situe avec malice sous le pouvoir de la Woke écolo ultra (où les Blancs n’ont plus le droit de procréer), s’en donne à cœur joie sur le dos de société contemporaine et ses dérives aussi bien technos qu’idéologiques : «Chuis ni racisée, ni trans, ni vegan, ni rien que dalle, même pas connectée. Je ne suis plus personne dans le néo-bio-monde », se plaint notre Halen, qui ne rêve que manger un bon biftèque saignant dans un monde où le végétarisme fait la loi.  Sur l’air du « c’était mieux avant » et avec une mauvaise foi désarmante, l’auteur touche là où ça fait mal. Réjouissant ! (Delcourt).

 

LE FANTASTIQUE GREC EXISTE !

 

Que penser d’un roman qui commence par la phrase : « Le jour où on m’a tiré dessus, j’allais sur mes soixante-six ans ; aujourd’hui, j’en ai vingt-neuf » ? On comprend (un peu) en apprenant qu’à sa mort en 1948, tué par un membre des Black Panthers, un joueur d’échecs new-yorkais se retrouve comme tout humain depuis la nuit des temps sur la planète Petite Vie, à la surface huit fois plus étendue que la Terre et où tous les « ressuscités » se réveillent à l’âge de 20 ans, pour une nouvelle vie de dix ans. Un paradis très provisoire ? Le récitant, comme tous ses confrères, doit participer à reconstituer la mémoire de la Terre à travers les œuvres des auteurs de la planète mère, lui devant retrouver la trace d’un certain Robert Krauss et de son roman « 4001 ». Fonte brute, signé Sofronis Sofroniou va alors nous entrainer dans de fantasmagoriques et surréalistes aventures, un méli-mélo ou un gloubi-boulga dont la couverture donne une petite idée, mais dont on ne sait trop s’il faut considérer ses 350 pages comme du fantastique, de la sf, où un produit hallucinatoire appartenant en propre à son auteur, qui en profite pour aligner nombre de références, de Hitchcock à « La Métamorphose » de Kafka, à quoi s’ajoutent « Le Fleuve de l’éternité » de Philip José Farmer, ou encore Kurt Vonnegut (« Abattoir 5 » surtout) dont Sofroniou, né à Chypre en 1976, possède la fantaisie débridée et la verve non-sensique. On peut beaucoup s’amuser, ou être un brin rebuté, au choix (Zulma).

 

DES NOUVELLES DE L’OURS

 

Les très sympathiques et micro-éditions de l’Ours (« Maisonnette d’édition à Puéchabon ») sortent ce mois un nouvel opuscule : Le Prix de l’anarchie, signé Claude Ecken, écrivain de science-fiction, scénariste de bandes dessinées, critique littéraire, anthologiste, animateur, deux fois lauréat du prix Rosny aîné pour la nouvelle (2001 & 2004) et deux fois lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire (2006 & 2021), et qui fut longtemps collaborateur de l’Écran.

 

Ici, Claude Ecken nous emmène en dystopie, une projection dans le futur des cauchemars actuels si bien contés dans Au réveil il était midi, de quoi commencer l’année avec l’envie de ne pas se laisser faire !

Le prix de l’anarchie est une théorie algorithmique des jeux qui évalue la perte d’efficacité d’un système en raison de comportements individualistes, comme des mesures de fluidification du trafic routier mises en échec par quelques automobilistes inattentifs ou irrespectueux.

 

Dans un futur proche, la performante smart city du zéro déchet et à énergie positive a fait place à la smart society, qui gère les activités humaines grâce à l’énorme masse de données émise volontairement par chaque citoyen, de façon à optimiser son quotidien, devancer ses souhaits, écarter les difficultés avant leur survenue et gérer harmonieusement la société.

Une novellla de 40 pages pour la modique somme de 6 €, à commander ici:

Protonmail.com@repliesendingservice.net

 

 

ROBERT KENNEDY N’A PAS ÉTÉ ASSASSINÉ !

 

Mais que s’est-il passé, alors, le 5 juin 1968 à l’hôtel Ambassador de Los Angeles, où “Bob” Kennedy doit donner une conférence de presse ? Le dénommé Sirhan Sirhan tente bien de lui tirer dessus, mais un cuisinier noir, Frank Lincoln Junior, s’interpose et assomme le tueur d’un coup de poêle. Bien qu’étant ancien membre des Black Panthers, le sauveteur, également ancien du Vietnam, est engagé par le jeune sénateur, en passe de se présenter aux prochaines présidentielles contre Nixon. Comme garde du corps. Une fonction comme on le verra qui n’est pas de tout repos, car nombre d’adversaires vont se dresser contre Robert Kennedy, qui lui-même a la dent dure, au point d’être surnommé “Black Robert”. Scénarisé par Fred Blanchard, Jean-Pierre Pécau et Fred Duval, dessiné de manière rigoureuse par Denys, Le Chevalier noir de Camelot, quarante-huitième volume de la célèbre série JOUR J, nous empoigne dès ses premières pages par son réalisme et surtout la crédibilité apportée à cette uchronie d’un proche passé. Un des meilleurs albums de la collection, pour un premier tome qui laisse attendre avec impatience la suite, dans le second et ultime volet (Delcourt).

 

 

DU NOUVEAU EN KARNAGE

 

Urbzh, tel est le nouveau titre de la fameuse collection, Karnage, dont on rappellera qu’elle n’est pas à mettre entre toutes les mains mais que les afficionados du gore apprécient, et dû à l’auteur d’Acid cop, qui tient à garder son pseudonyme. Si le cadre du présent récit est bien le pays breton, il n’est pas certain que le livre soit destiné à figurer dans les offices de tourisme de cette belle région… Un extrait :

« Face à des soldats, la jeune femme savait qu’elle n’avait aucune chance d’en réchapper. Elle craignait aussi un nouveau viol avant d’être abattu comme une proie misérable. Elle jeta un regard sur son couteau et pensa une seconde à se suicider. Posant la lame sur sa gorge, elle respira profondément, la main secouée de frissons… »

 

JEAN-PIERRE ANDREVON

 

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