EVERYTHING WILL CHANGE
L’Homme est-il un virus ?
Êtes-vous sensibilisé au changement climatique ? Bien sûr ! Qui ne le serait pas d’ailleurs… Mais pas assez, visiblement. En effet, en 2054, année durant laquelle se déroule l’action de Everyhthing Will Change, la jeunesse doit vivre dans un monde où la biodiversité est tellement inexistante que le mot même a disparu du langage. Par conséquent, il n’est pas surprenant que l’un des jeunes protagonistes pose la question qui tue à un cinquantenaire : « Qu’avez-vous fait pour empêcher la catastrophe ? »
Everyhing Will Change capte l’attention dès les premières images, dépeignant un avenir qui fera froid dans le dos à tous ceux qui sont attachés à la vie privée, la culture, la bonne chère, la nature… Vitres transparentes pour exposer son narcissisme. Béton partout. Logements trop exigus où l’on s’entasse à plusieurs. Sur les écrans géants des rues passantes défilent des images étalant la bêtise de l’époque. Des hangars produisent industriellement la nourriture. L’herbe n’est plus verte ailleurs mais rouge…
Pourtant, il y a quelque chose de plus effrayant encore que la disparition des espèces, c’est leur effacement dans les mémoires. En effet, la jeunesse de 2054 n’a jamais entendu parler de girafes, dauphins et autres chimpanzés… Élevés dans une époque où la vérité est ensevelie sous les fake news, trois amis découvrent par hasard un reportage animalier datant des années 2020. Enchantés par toutes ces créatures de couleurs et de formes si variées, les gamins décident de quitter leur ville austère pour se rendre dans un sanctuaire oublié. Mais les animaux n’existent plus que sur bandes analogiques…
Le film s’annonçait comme un voyage d’anticipation dans le monde du futur. Mais dans sa seconde partie, c’est-à-dire dès la 20e minute, il se transforme en documentaire dans lequel des scientifiques spécialistes des questions environnementales se succèdent pour expliquer ce qui a provoqué la disparition de la biodiversité.
Avec l’appui de Wim Wenders lui-même, Everything Will Change s’imprègne alors de références scientifiques pour exposer ce que nous allons perdre. Le film se teinte dès lors de fatalisme. D’ailleurs, l’espoir formulé à un moment du film se voit balayé d’un revers de main. Et en fin de métrage, le clin d’oeil à Retour vers le futur sonne même comme la nostalgie de ce qui est à jamais perdu.
Raconter le film sous forme de conte permet à Marten Persiel d’exprimer l’inévitable avec le sourire, comme s’il s’agissait de préparer les foules. Et pour enfoncer le clou, le happy end suggéré par le métrage nécessite des conditions de réussite qui semblent impossibles à réunir.
Au fur et à mesure que le film avance, la formule Everything will change (tout va changer) apparaît de plus en plus clairement comme une vision pessimiste de la formule Everything will be fine (tout ira bien).
Dans ces conditions, quel effet peut avoir cette mélancolie qui imprègne le film ? Révolter ou résigner ?
Quoi qu’il en soit, Marten Persiel fait preuve de courage en bousculant les codes narratifs. Everyhting Will Change n’est pas tout à fait un documentaire, c’est aussi un film de science-fiction. Le film sort en janvier 2024 et en DVD chez l’éditeur allemand Lighthouse, sans aucun sous-titre. Mais comme Arte est dans le coup, l’espoir d’une sortie française fait vivre.
Allemagne – Pays-Bas – 2021 ; réalisation : Marten Persiel ; interprètes : Jessamine-Bliss Bell, Jacqueline Chan, Vibeke Hastrup, Paul G. Raymond, Noah Saavedra…
André Quintaine
Passionné de cinéma de genre, André Quintaine anime le blog http://thrillerallee.com consacré au cinéma allemand de genre et d’auteur.