LA PIETA

LA PIETA

 

 

LA PIETA

Quand Œdipe frappe à la porte

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(La Piedad) 2022. Espagne/Argentine. Réal et scén.: Eduardo Casanova. Prod.: Alex de la Iglesia et Antonio Pérez. Photo : Luis Angel Pérez. Mus.: Pedro Onetto. Mont.: Angel Pazos. 1h22. Avec : Angela Molina, Manel Llunell, Ana Polvorosa, Maria Leon. (Shadowz).

 

Une mère et son fils entretiennent une relation fusionnelle au sein d’une vaste demeure. Le jour où l’un d’entre eux tombe gravement malade, la folie va commencer à gagner le foyer…

Co-produit par Alex de la Iglesia et salué par une partie de la critique, La Pietà est une coproduction hispano-argentine qui déstabilisera de nombreux spectateurs. En s’appuyant sur une grammaire cinématographique qui repose principalement sur une succession de plans fixes très travaillés, de champs/contre-champs, de zooms et de dé-zooms, le réalisateur, Eduardo Casanova, nous transporte en quelques minutes dans son univers dépouillé aux dominantes rose bonbon et créé immédiatement un décalage avec la réalité. Une impression qui se confirme au fur et à mesure que l’on découvre l’immense demeure où vivent les deux personnages principaux et qui ressemble presque à une maison-témoin tant elle semble vide et impersonnelle. Le tout est parsemé de fulgurances oniriques qui accentuent le sentiment d’étrangeté mais également de moments à la fois drôles et surréalistes comme en témoigne ce passage se déroulant à l’hôpital, lors du premier quart d’heure de projection. Ce mélange des genres déroutant mais assumé et parfaitement géré évite au film de sombrer dans le pathos comme son sujet pouvait s’y prêter et confère une réelle personnalité à cette œuvre qui ne manquera pas d’attirer les amateurs d’objets filmiques difficilement identifiables. D’autant que le cinéaste s’amuse à surprendre constamment le spectateur, en témoigne le titre qui n’apparaît à l’écran qu’après vingt minutes de film, à un moment où on ne s’y attend plus mais aussi certaines séquences que l’on a peu l’habitude de voir dans un métrage. Il s’autorise même quelques passages assez perturbants qui renvoient presque au Body Horror (cf. la scène de l’accouchement). Certes, La Pietà n’est pas dénuée de défauts, cette variation autour du complexe d’Œdipe assénant parfois son message de manière trop explicite et répétitive, au risque de perdre parfois en subtilité. Tout comme cette sous-intrigue se déroulant en Corée du Nord et qui n’apporte pas grand-chose au récit. Des petites faiblesses qui n’altèrent en rien le pouvoir de fascination qu’exerce le film, ni sa charge émotionnelle. Une émotion à laquelle les comédiens ne sont pas étrangers, la distribution, Angela Molina et Manel Llunell, en tête, étant épatante. Triplement récompensé au festival de Gérardmer en 2023 (et notamment par le Grand Prix), ce deuxième long métrage d’Eduardo Casanova se caractérise par sa singularité et confirme, après Skins, son premier long-métrage qu’il est bel et bien un auteur à suivre à l’avenir.

 

Erwan BARGAIN

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