À l’affiche
EN ATTENDANT LA NUIT ****
France/Belgique. 2023. Réal.: Céline Rouzet.
Les Féral, Georges et Laurence et leurs deux enfants, Philémon, 1 7 ans et la petite Lucie emménagent dans un quartier pavillonnaire isolée, entre bois et lac. Un lieu calme, convivial, où il est certain que rien de grave ne peut se passer. Alors pourquoi Georges tient-il à rappeler aux siens : « Il faut absolument qu’on ait l’air le plus normaux possible… Tu fais comme tout le monde, tu es tranquille». Ce qui semble acquis lors de la garden party où les nouveaux arrivants sont conviés. Mais pourquoi Philémon reste-t-il à l’écart, dans un coin d’ombre, sa casquette sur les yeux ? La toute première séquence du film nous avait avertis, avec ces cris dans la nuit n’annonçant pas un drame mais une naissance, celle de Philémon qui, au lieu de téter, mord jusqu’au sang le sein de sa mère, révélant ainsi ce qu’il est en réalité : un vampire. Mais rien à voir avec la figure traditionnelle imposée par le cinéma, seulement un enfant un peu différent que sa famille cache, protège, et que sa mère couve comme un poussin. Là est l’originalité comme la réussite d’un métrage qui vise avant tout le réalisme le plus quotidien, que porte avec un mélange de fragilité et de fébrilité le très troublant Mathias Legoût Hammond à son premier rôle, qu’on voit calculer montre en main combien de secondes il peut rester à la lumière du jour ou, suivant un chemin dans la forêt, sautiller entre les endroits à l’ombre et ceux au soleil, tandis que Laurence le nourrit avec des poches de sang déclassifié qu’elle dérobe dans le centre de transfusion sanguine où elle a trouvé du travail. Comme on s’en doute, cette situation ne pourra pas durer, les copains de Philémon commençant à trouver vraiment bizarre ce gars qui ne se baigne ni ne bronze, à quoi s’ajoute le fait qu’il ne peut répondre aux avances de la jolie Camila, qui s’est éprise de lui. La crise éclate alors que Laurence, dont le trafic a été découvert, doit quitter son emploi. Comment Philémon va-t-il se nourrir ? Si nombre de points restent dans l’obscurité – pourquoi une femme «normale» a-t-elle accouché d’un bébé vampire, comment ont vécu les Féral pendant ces 17 ans au cours desquels Philémon a bien dû aller à l’école – on reste sensible aux deux dimensions qui sous-tendent l’œuvre : l’importance (très américaine) du cocon familial comme havre de survie, et le rappel que la différence (certes, elle est de taille) entraîne toujours la violence, débouchant sur une chute à la fois prévisible et quelque peu aseptisée – mais enfin, on n’est pas chez Terence Fisher, seulement dans une ballade à l’inéluctabilité presque sereine.
Jean-Pierre ANDREVON