LOVE LIES BLEEDING 

LOVE LIES BLEEDING 

SUR NOS ECRANS

 

LOVE LIES BLEEDING : sortie le 12 juin

Muscles of Love !

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Attention véritable OFNI (Objet Filmique Non Identifié) qui prend pour cadre original une petite bourgade paumée du Nouveau Mexique en 1989, au cœur d’une certaine « Deep America » reaganienne et conservatrice emplie de testostérones et de valeurs machistes et phalliques suintant à chaque coin de rue. La jeune Lou Langston (formidable Kristen Stewart au look androgyne) mène une vie sans saveur en tant qu’employée du gym-club « Crater ». Une salle de « muscu-fitness » archétypale, symbole d’un certain cinéma stéroïdé estampillé années 80, peuplée de forçats de l’effort physique et tapissée de slogans marketing performatifs et plutôt ineptes du type « Ton corps est la volonté de ton esprit ». Ce bien-nommé Crater, toujours éruptif, est la propriété du propre père de Lou, un être honni au visage buriné et à la tignasse de sorcier, incarné par un méconnaissable Ed Harris (dont les prothèses faciales et crâniennes sont impressionnantes). Ce patriarche-gourou louche et patibulaire, éleveur de gros insectes immondes et fan d’armes à feu, tient la bourgade sous sa coupe, en corrompant allègrement les autorités locales. Lou est une fille perdue, velléitaire et accro à la cigarette et aux joints tandis que retentissent avec fracas les diatribes démagogiques anti-drogues énoncées par le Président Reagan sur toutes les ondes du comté. Mais comme dans un conte de fées modernisé, sa vie semble enfin prendre une tournure « enchantée » lorsqu’entre miraculeusement dans sa salle la dénommée Jaqueline « Jackie » Cleaver (imposante Katy O’Brian), métisse SDF de l’Oklahoma qui n’a qu’un objectif en tête : rejoindre Las Vegas pour le grand concours féminin états-unien de body-building ! Le coup de foudre est immédiat entre les deux donzelles, toutes deux finalement accros aux multiples drogues : la cigarette et la fumette pour l’une ; les haltères et les stéroïdes anabolisants pour l’autre ! Mais la vie est loin d’être un long fleuve tranquille et l’irruption de « Big » Jackie va déchaîner les passions et les jalousies dans la bourgade « redneck » du Nouveau Mexique en proie à une violence machiste des plus décomplexées et impunies. Au centre de la toile malfaisante, le père de Lou qui agit avec malignité et fourberie pour toujours parvenir à ses fins et faire taire tout esprit un peu trop libre et dissident. Une descente aux enfers aggravée par les agissements de plus en plus violents du beau-frère de Lou, l’ignoble J.J (Dave Franco en salaud de service), qui semble prendre un malin plaisir à humilier et tabasser sa femme, la soumise Beth (Jena Malone). Les injustices et drames vont dès lors se multiplier, sous le regard excédé du mastodonte Jackie dont la rage « verte » (et l’abus de stéroïdes…) vont bientôt la transformer en une incroyable et inattendue version d’un Hulk au féminin, au sens propre comme figuré !

 

Pour son deuxième long-métrage après l’excellent Saint Maud (film réalisé en 2019, couvert de prix à travers le Monde), la réalisatrice britannique Rose Glass, 34 ans, frappe un (nouveau) grand coup avec ce formidable et déconcertant thriller saphique volontairement « vintage » aux frontières du fantastique, abordant frontalement les violences faites aux femmes tout en ambitionnant de déconstruire une certaine mythologie du cinéma reaganien « testostéroné » et « populiste » des années 80… et en osant un singulier clin d’œil à John Steinbeck/ John Ford dans la mesure où le parcours de la déshéritée Jackie peut évoquer ceux des miséreux Okies des Raisins de la colère, également originaires de l’Oklahoma. La réalisation est fort maîtrisée, les décors extérieurs magnifiques (mention spéciale à une hallucinante scène de camouflage de crime dans un immense cratère désertique… renvoyant du coup au nom même du gym-club maudit !). L’atmosphère globale évoque tantôt David Lynch, tantôt Nicolas Winding Refn… D’autant plus que l’excellente bande-son électronique planante et hypnotique de Clint Mansell n’est pas sans rappeler celle de Drive. On pourra toutefois regretter la multiplication des rebondissements dans la dernière demi-heure et se questionner sur la métaphore très appuyée de la « She-Hulk », porte-étendard d’une cause féministe qui finit par crever l’écran mais aussi (et hélas) les yeux pour certains… Mais ne boudons pas notre plaisir ! Voici un nouveau grand film audacieux, stimulant, entraînant et fort divertissant d’une autrice attachante et impavide qu’il faudra suivre de très près !

 

LAURENT SILVESTRINI

 

Etats-Unis, Grande-Bretagne. 2024. Réal. : Rose Glass. Scén. : Rose Glass, Weronika Tofilska. Prod. : Andrea Cornwell, Oliver Kassman. Photo : Ben Fordesman. Mont. : Mark Towns. Musique : Clint Mansell. Costumes : Olga Mill. Décors : Jess Coffer, Randall Dongo-Olsen. 1h44. Avec : Kristen Stewart, Katy O’Brian, Ed Harris, Jena Malone, Anna Baryshnikov, Dave Franco. Dist. : A24, Lionsgate, Metropolitan FilmExport.

SORTIE : 12 juin 2024

 

 

 

 

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