IN MEMORIAM
TONY TODD
Le charisme des grands
Visage emblématique du cinéma fantastique et d’horreur contemporain, Tony Todd, qui nous a quittés en novembre dernier, a, au cours de sa carrière, souvent prêté ses traits à des personnages terrifiants ou énigmatiques. Retour le parcours d’une icône du genre.
C’est à Washington D.C. qu’Anthony Tiran Todd voit le jour le 4 décembre 1954, mais c’est dans le Connecticut, et plus précisément à Hartford, qu’il grandit et où il effectue ses études avant de se former au métier d’acteur à l’Eugene O’Neill National Actors Theatre Institute. Il commence dès lors à jouer, durant plusieurs années, pour différentes compagnies et se forge ainsi une solide expérience sur les planches. À partir du milieu des années 80, il commence à se tourner progressivement vers le cinéma et la télévision. En témoigne 1986, où il tient l’un des seconds rôles de Sleepwalk, série B fantastique de Sara Driver mais aussi Platoon, d’Oliver Stone. Ces premières apparitions ne lui permettent cependant pas de se faire remarquer et d’occuper le haut de l’affiche, le comédien devant, à cette époque, se contenter d’apparitions dans des films (Poste Restante, de David Hugh Jones avec Anthony Hopkins, Colors de Dennis Hopper, Bird, de Clint Eastwood) ou des séries TV («La Malédiction du Loup Garou», «21 Jump Street», «Mac Giver»).
Il doit attendre 1990 pour accéder aux premiers rôles sous la direction du maitre des effets spéciaux, Tom Savini. Ce dernier, avec George A. Romero choisit en effet l’acteur pour interpréter Ben, le héros du remake de La Nuit des Morts-Vivants que le cinéaste produit. D’autres comédiens tels Laurence Fishburne ou encore Eriq La Salle ont été auditionnés pour camper le personnage, mais c’est finalement Todd qui a été retenu et qui fait alors ses premiers pas dans l’horreur. Un genre qui, même s’il ne le sait pas encore, lui portera chance, comme le démontrera la suite de sa carrière. La même année, il se retrouve au générique de Voodoo Dawn, piètre série B mise en boîte par Steven Fierberg et co-scénariste par John A. Russo (Night of the Living Dead) mais aussi de quelques séries TV telles «La Loi est la Loi» et «Star Trek : La Nouvelle Génération», pour laquelle, le temps de trois épisodes, il incarne Kurn, un commandant Klingon belliqueux. Mais c’est deux ans plus tard que l’artiste accède enfin à la consécration avec Candyman, de Bernard Rose. Les producteurs, après avoir été rebutés par les exigences financières d’autres comédiens (et notamment Eddie Murphy), confient à Todd le soin d’interpréter Daniel Robitaille dans cette adaptation d’une nouvelle de Clive Barker. Avec sa taille impressionnante (1,96 m) et son jeu habité, il campe un croquemitaine fascinant qui va imprimer la rétine d’innombrables fantasticophiles à travers le monde.
Quelques mois plus tard, après avoir rejoint la distribution de The Crow, d’Alex Proyas puis joué dans un épisode des «X-Files», il reprend en 1994 son rôle de Candyman, dans l’honorable séquelle mise en scène par Bill Condon. Moins marquante que le premier opus, cette suite, décriée à sa sortie mais réhabilitée depuis quelques années, offre une place plus importante au rôle-titre, permettant à Todd, avec sa voix grave et son charisme naturel, de livrer une performance brillante qui éclipse littéralement le reste du casting. À la même époque, il renoue avec l’univers de Star Trek pour les besoins de la série «Deep Space Nine» puis, avec Marc Singer, partage l’affiche du calamiteux Dar L’Invincible 3 : l’œil de Braxus, où il interprète un guerrier plein de sagesse avant d’enchaîner sur Rock, blockbuster de Michael Bay, sous la direction duquel il incarne Darrow, un Marine qui se fait mercenaire. En dépit de son incontestable talent, le comédien ne voit jamais sa carrière réellement décoller et, malgré un troisième volet de Candyman dans lequel il incarne à nouveau Robitaille (protagoniste qu’il campera une dernière fois, sous forme de caméo, dans le remake produit en 2021 par Jordan Peele), il doit accepter d’apparaître dans des séries TV («Star Trek Voyager», «Hercule»…) et de jouer des seconds rôles comme dans Wishmaster.
En 2000, il incarne à nouveau un personnage secondaire mais particulièrement marquant et influent, à savoir William Bludworth, le mystérieux entrepreneur de pompes funèbres de Destination Finale de James Wong. Ce personnage qui connaît la Mort mieux que quiconque, il le reprendra dans le deuxième et troisième opus, mais également dans Destination Finale 5 que met en boîte Steven Quale en 2011. Tout en continuant à jouer dans des séries TV («Stargate S-G1», «Chuck» mais aussi et surtout dans «Masters of Horror» où, dans la seconde saison, il interprète la Bête dans Valerie on the Stairs, un épisode adapté d’une nouvelle de Clive Barker et réalisé par Mick Garris), il devient peu à peu un visage incontournable du cinéma horrifique et, dans les années 2000, enchaîne les projets. Il tourne ainsi dans pléthore de séries B parfois décevantes, à l’image iMurder, de Robbie Bryan, de Scream at The Devil, de Joseph P. Stachura ou encore de Zombies d’Hamid Torabpour (pour n’en citer que quelques-uns), parfois nettement plus stimulantes. C’est le cas, par exemple, d’Hatchet (Butcher), d’Adam Green où Tony Todd se glisse dans le costume du Révérend Zombie, rôle qu’il interprétera également dans les trois films suivants de ce que qui constitue aujourd’hui une franchise. Une franchise au sein de laquelle, de Kane Hodder à Robert Englund, en passant par Sid Haig, il a pour partenaires des figures emblématiques du cinéma d’horreur américain. Malgré cet attachement au genre, le comédien peut également aller là où on ne l’attend pas comme l’illustre, en 2013, aux «Feux de l’Amour», interminable soap-opera qui, avant lui, a vu défiler des artistes tels Barbara Crampton, Tom Selleck, Corbin Bernsen, Eva Longoria ou encore Marc Singer.
La voix des sages
Si, à l’écran, le charisme de Tony Todd ne fait aucun doute, ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que l’acteur a plusieurs cordes à son arc, et notamment des cordes vocales. Sa voix, en effet, est à l’image de son physique, impressionnante. Ce qui évidemment n’a pas échappé, dans un premier temps, aux concepteurs de jeux vidéo, puis par la suite, aux producteurs. Le comédien commence ainsi à prêter sa voix à des personnages dès la fin des années 90, pour les besoins du jeu Star Trek : The Next Generation – Klingon Honor Guard, où il incarne Kurn, le personnage qu’il interprétait dans la série TV éponyme. En 2009, il est choisi pour donner la parole au redoutable Fallen dans Transformer 2 : La Revanche, de Michael Bay, franchise qu’il retrouve, quelques mois plus tard, pour la série animée «Transformers Prime». Dans le monde de l’animation, Todd se fera même un nom notamment au sein de l’univers DC en incarnant, vocalement, plusieurs personnages dans différents programmes dont «La Ligue des Justiciers : Nouvelle Génération», «Lego DC Comics Super Heroes» mais aussi la série TV «Flash , pour laquelle il est la voix de Zoom.
La filmographie de Tony Todd est impossible à résumer en quelques lignes tant son visage est apparu dans d’innombrables productions au point de devenir familier aux yeux de plusieurs générations de fantastiscophiles. Il laisse en tout cas derrière lui des œuvres qui, pour certaines, sont entrées dans l’imaginaire collectif et dans l’Histoire du 7e Art.
ERWAN BARGAIN